Vieux soldat négligent
Elle vînt à sa rencontre sans se douter de rien
Sans préjugés aucun, sur son propre chemin
Il se tînt devant elle et, caché à demi
Voulu tendre une main qu’elle voulait amie

Le jet hideux, gluant, nauséabond
Qui précéda son geste
Le fit se retirer prestement et d’un bond
Dieu ! Avait-il la peste ?

Elle avança encore, quoique plus prudemment
Il tenta à nouveau de lui dire quelque chose
Mais alors qu’il voulait en expulser des mots
Une bile ignoble lui obstrua la gorge

Pauvre vieux mercenaire ! Mon pauvre vieux soldat !
Quand tu prenais des coups, tu disais : « Ce n’est rien ! »
Mais voilà : tes blessures, combats après combats,
Se sont envenimées car tu n’en pris pas soin

Sous ta tunique neuve, se tiennent des escarres
Qui feraient fuir d’horreur même des charognards
Et le sang noble et pourpre dont tu étais si fier
N’est plus que purulence, pourriture d’hier

Comment veux-tu la voir si tu es occupé
A retenir des jus jaillissants de partout ?
Comment veux-tu l’entendre ou bien la regarder
Tandis que ton effort est de boucher des trous ?

Adoncques, vieux soldat, toi qui es mon ami
Pose donc ta cuirasse et panse tes blessures
Tu ne pourras jamais tendre une main amie
Si ce seul simple geste fait jaillir pourriture

Rob