Celui qui a peur
Qui a peur de blesser trahira ses amis
Mentira sans vergogne et détruira des vies
Ourdira mains complots pour ne point avouer
Qu'il lui manqua le coeur de dire vérité

Et il dira qu'il aime lorsqu'il n'a que mépris
Prétendra qu'il y tient même lorsqu'il s'en fout
Il sèmera le doute du coeur et de l'esprit
Et perdra un respect précieux par dessus tout

Les yeux et les oreilles perçoivent l'univers
Mais d'autres sens, je crois, écoutent et auditent
Nous percevons toujours une chose non-dite
Comme une ombre tenace qui se cache en arrière

Qui a peur de fâcher condamne ses amis
A vivre constamment une sorte de gêne
Comme une douleur sourde, une triste carrie
Comme un membre blessé menacé de gangrène

Que vaut un compliment lorsqu'il n'est pas sincère ?
C'est un acte poli, reçu comme un effort
De ne pas provoquer de conflit ou de guerre
Et qui en fait l'objet se retrouve moins fort

Jamais l'on est forcé de mentir, je l'affirme
On peut, si nécessaire, parler succintement
Mais jamais, je le dis, créer ce sombre abîme
Où tombent nos amis, parfois, lorsqu'on leur ment

Parlons en parabole : "Il était une fois
Une triste charogne gisant au fond d'un piège.
De peur de le choquer, on ne pu se résoudre à le dire à François.

Il s'en vînt sans malice coeuillir un florilège
Et mourut salement, empalé sur des bois."

Il ne soupçonnait pas (on était si gentil)
Qu'une fosse à épieu était dans le chemin.
Mais il eût mieux valut que tout eût été dit :
Avalée la couleuvre, François serait serein !

L'admiration, c'est vrai, est une désirade
Encore faut-il, toujours, qu'elle ne soit pas forcée
Je préfère le brut à la triste pommade
Que parfois l'on étend sur quelque coeur blessé

Car celui qui a peur, non, n'osera jamais
Prendre par les cheveux cette tête amie
Et tirer fort dessus en dépit de ses cris
Pour la sortir de l'eau où elle s'allait noyer.

Rob