Le corbeau et le renard
Il est dur, parfois, de se rendre compte
A quel point l’on peut être imbécile
A ce sujet, il me souvient d’un conte
Que je vais vous narrer, car cela m’est facile

Maître corbeau se le tenait pour dit :
Aux ruses du renard, on ne l’y prendrait plus
Tant que lorsque Goupil un beau jour il revit
Ce fut d’un œil narquois et d’un sourcil feuillu

Ayant mit à l’abri le plus beau des fromages
Il s’en vînt se percher sous le nez du rouquin
Et lui fit beaux saluts et très vibrants hommages
Lui rendant politesse de ses tours fort mesquins

Le renard accueillit sans efforts ces manières
Et, ne changeant en rien ses coutumes passées
Tortilla du panache et prit une voie fière
Pour répondre au corbeau flagorneries phrasées

Ayant prit son congé, l’oiseau rentra chez lui
Mangea quelques agapes et contempla la lune
Il ne fallût pas plus que le temps d’une nuit
Pour le faire lâcher sa plus chère fortune

Il s’en vînt de lui-même, tout aux pieds du bellâtre
Déposer son trésor en le sachant perdu
Et retourna chez lui, et sans même se battre
De nouveau dépouillé et de nouveau vaincu

Il lui reste le soleil, le printemps, et l’espoir
Qu’un jour arrivera où les reflets d’or roux
Qui miroitent sans fin sur les flancs du renard
Ne l’abuseront plus, oh non, mais plus du tout

Monsieur De La Fontaine, vous fûtes oublieux :
Le corbeau, gros et noir, aurait bien mérité
Un tout petit hommage à sa capacité
A honorer toujours son ennemi de feu

Car si cet animal manquât toujours de grâce
Il ne manquât jamais ni d’honneur ni d’amour
Admirant la beauté des bêtes d’autres races
Et risquant sa fortune pour qu’il y en ait toujours

Stupide, l’oiseau ? Oh, oui, j’en suis certain
Et pourtant il est vrai que je lui en sais gré :
Il vous couvre de gloire de l’âme jusqu’aux reins,
Et me permet, Madame, de toujours vous aimer.

Rob