Le pénitent ( Suite et fin)
Au travers de ses larmes, meurtrières il est vrai
Il vit soudain le corps d’une ombre qui bougeait
Elle s’approchait encore et encore davantage
De celui qui donnait de sinistres hommages

Elle lui semblait vide, pourtant, diaphane et sans substance
Comme toutes les autres qui dormaient en silence
Et lorsqu’elle s’arrêtât à seulement un pas
« Foutaises ! » se dit-il, « un mort ne marche pas ».

« Le chagrin qui me ruine me fait voir des visions
N’étant en vérité qu’espoir de guérison
Et je crois voir en fait ce qui n’existe pas :
Une ombre bien vivante que je ne tuerais pas. »

L’ombre approcha son visage et sourit en silence
L’homme hurla en pleurant qu’il ne pouvait la voir
Car depuis trop longtemps ayant désespérance
De la voir devant lui, cela lui faisait mal

L’ombre sourit encore, bien qu’il se rendit compte
Qu’un miroir de chagrin brillait dedans ses yeux
Et l’homme se maudit d’être si douloureux
Alors qu’il eut voulu la contempler sans honte

Il saisit à nouveau le fusil tant haït :
« A quoi me servirait cette triste pétoire 
(Je ne sais même plus à quoi elle servit
Quels dieux priais-je donc ? Quelle divinité noire ?)
Puisque là est une ombre, et puisque l’ombre vit ? »

L’homme, quoiqu’avec quelque peine, se dressa sur ses pieds
Le soleil le suivit et apparut enfin
Bien que peu de chaleur de l’astre rayonnait
Il semblait que le monde voulût naître au matin

Pour si peu de lumière, l’ombre fût un diadème
Pour un sou de soleil, elle sembla de feu
Quelque soit le futur, elle serait là quand même
L’homme su qu’il avait fini avec les Dieux

Il vit autour de lui les ombres remuer
Il y eut plus de lumière, et le froid recula
Et il se tînt enfin relativement droit
Face à la merveilleuse venue le délivrer

Le jour devenu vif le fait cligner des yeux
Mais il a un sourire faiblement retenu
Tant il est dur encore de croire à la venue
D’une ère bien meilleure où il vivra bien mieux

Et elles sont toutes là, et toutes enfin revivent
Elles ne lui parlent pas, mais elles vivent enfin
Et il entend rugir quelque part au lointain
Le bonheur d’un puma qui calmera sa faim

Un chasseur s’est assit sur une herbe légère
Sans crainte d’enlever ses bottes de combat :
Et dit : « Ce jour est beau, sans doute, et bleue est la lumière
Même s’il y a encore loin de chez toi à chez moi ! »

Un preux qui fût banni enlace un vulgaire
Et tous deux prennent pied sur un bon vieux bateau
Prenant enfin joyeux sa première croisière
Sous le vent qui caresse ses voiles et les flots

L’homme dans le miroir sourit au pénitent
Et celui de l’espace, se tournant vers Suzie
Lui tend un cœur fragile en un geste hésitant :
« Prends : car quoique tu en fasse, ce cœur est un ami ».

Un gros corbeau contemple un fromage précieux
Qu’il offre sans remords au renard magnifique
Tandis que l’enchanteur sort son bâton magique
Et jette une poignée d’étoiles dans les cieux

Puis prenant un pinceau, il dessine ton ombre
Aux quatre coins du ciel en fresque de diamant
Il te dessine amie, frère d’arme ou amante
Peu importe l’habit, il veut que tu sois là

Quelle que soit la terre où il y aura un port
Pour un navire usé malgré tout sûr et sain
Il n’oubliera jamais qu’il eût voulu ton corps
Mais que c’est de tes quais qu’il s’élança enfin

Le pénitent contemple l’aube de sa planète
Et jette au loin ses fers, relève un peu la tête
S’adressant doucement à l’ombre à ses côtés :
« J’avais rêvé un jour d’une Dame en été … »

« Une lumière luit au bout de ma planète
Et je vais l’approcher sans trêve et de ce pas
Y sera-tu toi-même ? Ah Dieu ! Que je l’espère
Car l’aube que voici, c’est toi qui l’allumas »

« Il est un cauchemar que, moi, je ne veux faire
Où je reviens heureux d’un voyage là-bas
Et où je te retrouve immobile en ces terres
Lasse et isolée, un fusil dans tes bras … »

Rob