Nul endroit
Ah, toi ! Que tu me manque
Et qu'il me manque aussi, parfois
De te dire ce qui me flanque
De tous côtés, en haut, en bas.

Car je suis parti sur les routes
Dans l'inconfort, la dureté
Parfois le froid, la faim, le doute
Dans l'insomnie et l'âpreté

Oui, mais vois-tu ce qui m'affame
Et qui parfois me fait pleurer
Ce n'est point l'ardeur de ta flamme
Ni la douceur de tes baisers
Dans la froideur, je ne regrette
Ni la tiédfeur de ton corps nu
Ni la chaleur de tes étreintes
Le confort de ton lit, non plus

Il ne me manque ni ta maison
Et ni ta table, lorsque je dîne
D'un vilain bout de saucisson
Ou d'une bien maigre sardine

Je ne vois rien, ni de ton corps
D'aucunes de tes possessions
Que j'échangerais contre l'or
De ce que vis un vagabond

Aussi cruel qu'il y paraît
Ton amour ne me manque pas
La seule chose, mon seul regret
C'es que toi tu ne sois pas là

Ces étoiles auxquelles je parle
J'aurais voulu les contempler
Avec toi et personne d'autre
Personne d'autre à mes côtés

Les cents et cents et cents personnes
Que je découvre et je connais
Je suis triste qu'il n'y ait personne
Comme toi pour leur parler

Ces milles lieux, milles chemins
Leurs petits riens, leurs aventures
Je me retourne tout soudain
Tu n'es pas là, et c'est saumure

Je vois la mer, tout le ciel bleu
De beaux bateaux, de riches gens
"Ah, Qu'elle les trouverait merveilleux !"
Et c'est là tout mon manquement

Et toujours ce soleil et cette brise carresseuse
Et toujours je me dis : "Qu'elle serait heureuse !"
Mais tout celà, en fait, n'est que vaine illusion
Car ton bonheur à toi est dedans ta maison

Toutes ces jolies choses exposées aux boutiques
Toutes si colorées, si variées, exotiques
Comme elles te plairaient, que tu serais ravie !
Je te vois scintiller face aux maisons fleuries

Mais comment pourrais-je, moi, simple vagabond
Voyager avec toi et toute ta maison ?
Mon trésor, qu'avec toi je voulais partager
Il n'est fait que d'espaces, de rêves ciselés

Et toi tu as besoin d'ancres et de solides
Tout ce qui rend ma vie comme creuse et vide
Et, pour notre malheur, nous nous aimons tellement
Que nous voulions tous deux partager nos tourments

En dépit de l'amour que toujours on se porte
En dépit de mes bottes posées devant ta porte
Aujourd'hui plus encore, malheur ! Bien plus que ça
Il y a tellement loin de chez toi à chez moi

C'est comme un précipice, un gouffre infranchissable
Je peux sentir ton corps, respirer ton haleine
Voir ton âme briller en reflet de la mienne
J'ai beau scruter le jour, la nuit, la mer, le sable

Je ne vois nul endroit où nos routes se joignent.
Rob